· 

Fil Conducteur #5 : Le nouveau DPE doit-il être jeté à la poubelle ?

Un peu d'histoire

Le Diagnostic de Performance Énergétique et environnementale (DPE) est un document - issu de la directive européenne pour la performance énergétique des bâtiments 2002/91/CE - qui donne une estimation de la performance énergétique d’un logement ou d’un bâtiment en évaluant sa consommation d’énergie et son impact en termes d’émissions de gaz à effet de serre. 

 

Depuis novembre 2006, il doit être obligatoirement fourni lors de la vente d’un logement, et depuis juillet 2007, il doit être délivré à l'établissement du bail de location par le bailleur.

En 2012, le dispositif a connu une première réforme visant à améliorer sa transparence vis-à-vis du grand public (publication de l’étiquette énergie dans les annonces immobilières, création d’une base de données Ademe des DPE), et sa fiabilité a été étoffée (passage de 30 à 60 points de contrôle, amélioration du processus de certification…).

 

Chaque état membre de l’UE peut mettre en œuvre le dispositif par une loi nationale spécifique et différente.

1ère réforme du Dpe en 2012 :

C’est à l’occasion d’une première réforme en 2012 visant à l’amélioration de la transparence du dispositif qu’a été créée  la base de données des DPE de l’Ademe (disponible en open data depuis 2020). En dépit de cette révision de la fiabilité du mécanisme par l’augmentation du nombre de points de contrôle, le DPE a continué à faire l’objet de critiques émanant des associations de consommateurs (telle que 60 millions de consommatuer). Démonstration a été faite qu’en confiant à trois diagnostiqueurs différents la tâche de produire un diagnostic sur le même logement, il était possible d’obtenir trois évaluations différentes. Concernant la partie recommandations aux fins d’amélioration du DPE en matière d'usage ou de travaux, il a été également montré que ce volet n’est pas assez encadré et trop diversement traité par les contrôleurs.

 

Impact sur la valeur des biens :

Ce qui n’était au départ qu’une indication informative s’est très vite révélée exercer une influence substantielle sur la valeur des biens comme le montrait chacune des enquêtes menées par les associations professionnelles de notaires.

Avec le temps, on assistait à l'augmentation de la valeur vénale engendrée par une meilleure performance énergétique et environnementale d’un bien immobilier par rapport à un autre. Le DPE attribuait ainsi une valeur verte réelles aux biens alors qu’il n’avait qu’une valeur informative.

Le DPE individuel 2021

Bien que largement connu des ménages, contribuant à sensibiliser à l'efficacité énergétique, mais étant la cible de critiques objectives, le DPE a été l’objet d’une nouvelle réflexion élaborée depuis 2018 et mise en œuvre au 1er juillet 2021. Cette réforme poursuit deux objectifs :  fiabiliser le DPE et lui conférer une valeur juridique en le rendant opposable afin de lui donner le statut de référence dans la politique de rénovation des logements.

 

Cinq évolutions :

Extension du périmètre du DPE de 3 à 5 usages : la consommation des éclairages et des auxiliaires est désormais intégrée, en plus du chauffage, de l’ECS et de la climatisation. Cela permet d’aligner le DPE sur le périmètre des réglementations thermiques s’appliquant sur les logements.

Application de la méthode de calcul conventionnelle (3CL) à tous les logements (1). Il n’est plus possible de réaliser des DPE « sur facture » - c’est-à-dire calculé par rapport à une consommation réelle de l'ancien occupant du bien - comme il était possible de le faire auparavant pour les immeubles au chauffage collectif ou les logements construits avant 1948. Cela devrait améliorer la qualité des DPE.

Modification des classes énergétiques qui sont désormais définies par une double échelle. Le critère précédent établi en énergie primaire est assorti d’un autre critère en émissions de CO2. L’étiquette énergie est déterminée par la plus mauvaise des deux étiquettes.

Obligation de publication dans les annonces immobilières de l’étiquette énergie, de l’étiquette carbone et du niveau estimé de la facture énergétique telle qu’elle résulte du DPE.

Amélioration de la lisibilité du document par l’ajout de nouveaux indicateurs (degré d’isolation, confort d’été…) et standardisation du volet sur les recommandations de travaux.

Impact sur le nombre de logements par étiquette :

 

Après reforme, la performance des logements mesurée par le DPE évolue de façon contrastée.

Les mouvements sont limités pour les logements classés de E à G. En particulier, l’électricité reste l’énergie de chauffage majoritaire dans les « passoires énergétiques » concernées à court terme par les obligations d’audits et de rénovation. Le gaz chauffe toujours moins de 20% de ces logements.

Les mouvements sont importants pour les logements chauffés au gaz (à fortiori au fioul) et classés initialement de A à C : une grande partie des logements en C basculeront en D, et une large majorité en A ou B passeront en C.

 

Les liens avec la loi dite « Climat et résilience »

La loi dite « Climat et résilience » promulguée en aout 2021 comprends, dans son volet « se loger »,  plusieurs mesures visant à accélérer la rénovation énergétique des logements qui font directement référence au DPE. 

 

À court terme :

 Dès aout 2022, interdiction des augmentations de loyer pour les logements appartenant aux classes énergétiques F et G du DPE. Avant, cette interdiction ne s’appliquait qu’aux zones tendues mais elle s’applique maintenant à toute la France.

 Septembre 2022, audit obligatoire pour la vente des bâtiments en monopropriété comportant un ou plusieurs logements classés F ou G. Cet audit s’applique aux bâtiments collectifs en monopropriétés du parc social notamment . Pour les copropriétés, un autre régime de DPE collectif s’applique (2).

 

À moyen terme :

A compter de 2025, un niveau de performance énergétique minimal deviendra un critère de décence, donc un impératif pour qu’un logement soit valablement loué vide ou meublé à usage de résidence principale du locataire. Ce niveau de performance minimal sera progressivement rehaussé.

 

Ainsi, Le niveau de performance d’un logement décent sera compris (en métropole) :

 

À compter du 1er janvier 2025, entre la classe A et la classe F. À cette date, les logements classés G (environ 600.000 logements) ne pourront donc plus être mis en location ;

 

À compter du 1er janvier 2028, entre la classe A et la classe E. À cette date, les logements classés F (environ 1.200.000 logements) ne pourront donc plus être mis en location, en plus de ceux classés G déjà interdits à la location ;

 

À compter du 1er janvier 2034, entre la classe A et la classe D. À cette date, les logements classés E (environ 2.600.000 logements) ne pourront donc plus être mis en location, en plus de ceux classés F et G déjà interdits à la location.

60 millions de consommateurs (re)met déjà en cause la fiabilité du nouveau DPE, mais…

Alors que les premières obligations liées au nouveau DPE entre en vigueur cet été, 60 millions de consommateurs monte de nouveau au créneau dans son numéro de juin 2022 (3). Fidèle à sa réputation, le magazine enfonce le clou et pointe les erreurs commises en confiant un panel de 4 biens dont chacun est soumis à l’évaluation de 5 diagnostiqueurs différents. Dans un contexte où certaines parties du DPE sont désormais rendues opposables, les contentieux pourraient se multiplier.

 

Comme le rappelle le site checkandvisit.com (4), « si l’acquéreur ou le locataire doute de sa fiabilité, il peut refaire un diagnostic : si le nouveau DPE n’affiche pas les mêmes résultats que celui présenté par le propriétaire ou bailleur, il peut alors le contester par voie judiciaire pour demander l’annulation de la vente ou du bail et / ou des dommages et intérêts, voire une réduction du loyer dans le cadre d’un bail. Le propriétaire ou bailleur peut quant à lui se retourner contre le diagnostiqueur pour engager sa responsabilité. » Le magazine conclue son dossier en rappelant « que la réforme a changé les règles du jeu et sans doute complexifié la réalisation des diagnostics. Des simplifications pourraient être apportées et les logiciels peaufinés », et en appelant urgemment à une meilleure formation des diagnostiqueurs.

 

Balle au centre pour Franck Annamayer (Sonergia) qui plaide en faveur de meilleures solutions logicielles. Selon lui, « la formation est bien sûr importante et les compétences associées ne peuvent être écartées pour assurer une bonne fiabilité. Mais l’outil de diagnostic et sa bonne prise en main le sont au moins tout autant. (…) la solution réside donc dans l’approche conjointe phygitale. Concrètement, elle consiste à collecter en amont le maximum de données en open source, puis à faire passer un professionnel au sein du logement pour confirmer et affiner les premiers éléments récupérés ».


NOTES :

(1) La méthode conventionnelle dite « 3CL » s’appuie sur une analyse des caractéristiques du bâti (isolation, surfaces vitrées, matériaux de mise en œuvre, modes de chauffage et de production d’eau chaude sanitaire, etc.), à la différence de la méthode dite « sur facture » basée sur l'usage du logement, de manière à pouvoir comparer les logements entre eux. Le mode de calcul conventionnel considère donc un usage standard du logement, ce qui correspond à une occupation et un comportement standard moyen :

 Une occupation journalière du logement de 16h en semaine (hors tranche de 10 à 18h) et de 24h en fin de semaine (samedi-dimanche).

 Une période d'absence d’occupation annuelle d'une semaine durant la période de chauffe et de deux semaines en été (congés).

 Une température intérieure de 19°C le jour, réduite à 17°C la nuit en saison de chauffe

 Des données climatiques départementales moyennes, sur trente ans, avec une correction liée à l'altitude et à la distance par rapport au littoral.

 Une consommation d'eau chaude sanitaire calculée sur la base de la surface habitable et d'un taux d'occupation standard dépendant de la surface du logement.

 

(2) Les bâtiments en copropriété dont le permis de construire a été déposé avant le 1er janvier 2013 devront faire l'objet d'un diagnostic de performance énergétique collectif (DPE collectif).

Cette disposition entre en vigueur aux dates suivantes :

 1er janvier 2024 pour les copropriétés de plus de 200 lots : Partie de bâtiment comportant obligatoirement une partie privative et une quote-part de parties communes

 1er janvier 2025 pour les copropriétés entre 50 et 200 lots

 1er janvier 2026 pour les copropriétés d'au maximum 50 lots

 

(3) 60 millions de consommateurs N°581, « Nouveau DPE – Des erreurs en pagaille ! », 2022, pages 51 à 55.

 

(4) https://blog.checkandvisit.com/dpe-opposable

 

Écrire commentaire

Commentaires: 0