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Fil Conducteur #3 : Que retenir de "Digital Habitat" en 10 points ?

Imaginé pendant le premier confinement total du printemps 2020 par des sociétés innovantes contribuant à la transformation du secteur de l’habitat, et ce dans le but de faire face à l’annulation des salons, l’événement indépendant 100% en ligne "Digital habitat" a été maintenu en 2021 et 2022, le succès ayant été au rendez-vous.

 

Les 30 partenaires ont un double objectif :

Valoriser les innovations digitales déployées par les acteurs de l’habitat pour transformer leurs métiers, leurs services, leurs réponses aux besoins futurs des territoires.

Contribuer à la réflexion du secteur sur les opportunités pérennes qu’offrent aujourd’hui les technologies éprouvées.

 

Nous remercions vivement tous les participants pour leur collaboration enthousiaste, leur discours transparent et attractif, ainsi que leur partage d’expérience inspirant.

 

Nous saluons l’énergie inépuisable de Mélanie Lafleur et des équipes de Cellance pour tout l’engagement déployé au profit de la réussite de cet événement.

TOUR D'horizon de l'édition 2022 :

1 - Les effets du retour de l'inflation sur le logement pèsent sur les ménages les plus modestes

Le logement représente le principal poste de charges pour les ménages les plus modestes, et constitue l’essentiel des « dépenses contraintes ». Ainsi, chaque hausse du coût du logement pénalise le pouvoir d’achat. En outre, selon une étude du Crédoc (1), certains segments de la population française ont été particulièrement fragilisés par la crise sanitaire et sociale liée à la Covid-19. Actifs modestes, jeunes, chargés de famille, près 4 millions de personnes (8 % des Français) ont basculé dans une situation préoccupante de paupérisation. On estime également qu’en France un tiers de la population est dans une forme de situation de précarité ; la récente flambée des prix de l’énergie a également contribué à réduire encore les marges de manœuvre de publics dont les possibilités d’amortissement sont déjà extrêmement comprimées.

 

En résumé : Les technologies connectées permettent d’apporter un standard de services nécessaire pour estimer précisément et réduire les consommations énergétiques depuis le logement jusqu’à la chaufferie en passant par les communs. Un investissement qui participe à la minimisation des défauts de paiement potentiels des locataires et à la maitrise énergétique du parc comme centre de coût en tension.

2 - Le bâtiment est un secteur en première ligne de l’objectif de neutralité carbone de la France en 2050

Le secteur du bâtiment (Résidentiel et tertiaire, public ou privé) représentait 25% des émissions nationales en 2019. Ainsi, comme l’a rappelé Éric Pinatel, Directeur général d’Unicil, les acteurs du logement social en France supportent une grande partie de la solution et du coût de la transition par la gestion des 4 millions de logements abritant plus de 10 millions personnes. L’ampleur de l’enjeu carbone associé est considérable, depuis les émissions directes liées aux consommations d’énergie pendant la phase d’usage des bâtiments jusqu’aux émissions indirectes liées à la consommation d’électricité via les réseaux urbains ou liées à la fabrication des matériaux et équipements employés lors de la construction ou de la rénovation.

 

En résumé : Le levier principal reste la massification de la rénovation du parc immobilier français et le soutien de la filière par la mobilisation de nouvelles formes d’actions et de financements.

3 - L’hybridation est la tendance marquante des lieux de vie

Emmanuel François, président de la Smart Buildings Alliance for Smart Cities (SBA) a rappelé que nos activités ont subi des mutations considérables. Avec la crise sanitaire, « nous ne travaillons pas comme avant, nous n’enseignons pas comme avant, nous ne commerçons pas comme avant. Nous vivons dans une société hybride, or toutes ces activités se réalisent dans des bâtiments et aussi dans des logements désormais ». Aussi note-il que « les bâtiments n’ont pas suivi le changement des activités humaines » et appelle à la conception de nouveaux espaces « modulaires, privatifs mais aussi partagés, et à fort environnement de services. » Il constate également qu’il serait étrange que nos bâtiments et logements, cœurs de nos activités, ne suivent pas la même mutation que nos véhicules qui, étant de plus en plus connectés, échangent de l’information et de la data à l’attention de leurs utilisateurs.

 

En résumé : Les intervenants ont appelé à la réinvention accélérée du bâtiment grâce au numérique vers le concept de bâtiment 4.0 :

› Évolutif et réversible (conversion tertiaire en résidentiel) ;

› Simple et efficace pour les usagers ;

› Intelligent pour répondre aux exigences du promoteur et de l’exploitant ;

› Orienté « Bas carbone » pour une meilleure valorisation. 

4 - Les bailleurs sociaux font face à l’intégration de mutations stratégiques et de nouvelles pratiques du logement social

Directrice Générale chez Seqens Solidarité, Élisabeth Novelli a confirmé que la fonction essentielle du bailleur social est celui de l’intérêt général. En effet, le bailleur représente au cœur des quartiers prioritaires les plus pauvres de France la dernière présence de proximité du service public. « Sommes-nous encore capable de faire du logement abordable ? », poursuit-elle, rappelant qu’avec « la crise actuelle la gestion du package global (loyer et charges locatives) est un sujet pour tous les bailleurs. » car difficilement plus comprimable.

 

Elle note en complément qu’actuellement le métier de bailleur, qui est initialement celui de constructeur et de gestionnaire d’habitat, se transforme en celui de l’accompagnement des parcours de vie (séniorisation de la société) et de réduction de l’éloignement numérique.

 

En résumé :  Les bailleurs sociaux par leur présence, leur résilience, leur proximité endossent le rôle d’accompagnateur social et de médiateur numérique. La prochaine mutation sera certainement celle de la formation aux éco-gestes et de la formation à la gestion individuelle de son énergie. Le digital permet d’apporter un premier niveau au client, cela devrait permettre de libérer du temps vers d’autres missions comme celles de l’accompagnement. Une mutation critique concernant les bailleurs en interne cette fois-ci.

5 - Face au défi énergétique, les clients locataires doivent faire l’objet d’un accompagnement pour devenir acteur de changement

Parler de précarité énergétique, de factures, de difficultés de paiement, d’économie d’énergie ne suscite pas immédiatement l’adhésion du public sur des thématiques qui ne sont pas très réjouissantes. D’autant que cela positionne l’interlocuteur dans un contexte punitif où il doit faire face à un état d’impuissance. Les bailleurs rappellent qu’il convient d’éviter les solutions reposant sur une rupture radicale et la remise en question complète des comportements antérieurs, liés au gaspillage énergétique par exemple, des locataires. 

 

Ils ont intégré l’importance de passer de l’injonction à l’accompagnement. Il faut trouver des solutions simples et pratiques qui parlent au public-cible, qui s’adaptent à leurs comportements, et qui leur permettent de progresser et de mesurer leur progression. La présence sur le terrain d’un médiateur qui partage des notices explicatives apparait être le bon levier de changement comportemental.

 

En résumé :  Faire de l’énergie dans le logement un sujet de réflexion à part entière, notamment pour les publics fragilisés, qui se heurte à un certain nombre de freins qu’il est possible de soulever par la présence sur le terrain d’un « ambassadeur-tranféreur ». Il pourra accompagner la prise de conscience ou la reconnaissance par le ménage de l’existence d’un problème lié à l’énergie. Il ne s’agit pas simplement de dialoguer mais de partager des livrables concrets montrant des statistiques clés. Pour cela il faut pouvoir monitorer le bâtiment.

 

6 - Les locataires deviennent acteurs de l’amélioration de leur cadre vie et de la préservation de leur niveau de confort

La table ronde consacrée à la performance environnementale « Comment piloter sa performance RSE ? » a démontré comment il était possible d’innover tout en engageant les locataires au-delà de ce qui était imaginé en phase de conception et d’expérimentation.

 

Directeur Innovation chez Pas-de-Calais Habitat, Jérôme Capelle a décrit la démarche dite d’« Habitat contributif » où « tous les projets d’innovation sont menés avec les habitants, de leur conception à leur évaluation, sous forme de réunions, d’ateliers de travail, de groupes d’échanges, des moments de convivialité, mais aussi d’enquêtes qualitatives et quantitatives et d’un fort engagement des agents de proximité ». En créant des binômes composés d’un agent de terrain et d’un locataire, il est possible de créer du lien et une présence in situ favorable à l’installation d’un contexte de confiance. L’association des habitants créée à cette occasion a été particulièrement utile pendant la crise de la Covid-19 afin d’aider les personnes isolées. Ce n’est pas tout, la concertation qui a permis l’installation de panneaux solaires visant l’auto-consommation collective est significative. Les économies d’énergie réalisées en gain de charges ont permis à un habitant d’absorber le coût d’un maintien à domicile lors d’une hospitalisation. Pour d’autres ménages, les économies financières produites permettent d’améliorer le confort ou de souscrire à une association sportive pour les enfants. Ce gain a également rendu possible l’achat d’un triporteur de livraison rechargé par le système d’auto-consommation électrique. Ce service de l’association des habitants permet d’approvisionner les personnes les plus fragiles physiquement.

Comme on peut le voir, il ne s’agit pas seulement de faire en sorte que les locataires acceptent, s’approprient et s’adaptent à une innovation décidée par la verticale du bailleur, mais qu’ils s’engagent dans une coproduction de projets. Pari réussi !

 

En résumé :  Le montage d’une équipe de proximité permet d’installer une dynamique locale. En instaurant un dialogue naturel et non intrusif, il est possible de transmettre des messages de bonnes pratiques énergétiques et de qualité d’usage des logements. A partir du moment où l’on déploie une ambition commune, par des mots et des résultats face à une facture d’énergie, il y a une valorisation de l’humain qui n’est pas si courante dans le discours ambiant sur ces quartiers déclassés.

 

7 - Le suivi et l’évaluation de la performance énergétique des logements sont désormais entrés dans une phase de maturité

Apporter 15% économie aujourd’hui immédiatement avec l’ambition d’atteindre 30% de réduction de la consommation énergétique demain dans tous les logements est un défi considérable. Cela est pourtant simple avec l’IoT, y compris en projet de rénovation à l’échelle d’un bâtiment ou d’un parc locatif.

 

Aujourd’hui, comme l’a rappelé si justement Laurent Arnaud, Chef du Département Bâtiments Durables chez Cerema, il est assez étonnant de pouvoir consulter une fiche technique pour aider à la prise de décision lors de l’achat d’un véhicule neuf et pas pour un logement neuf pour lequel il est impossible d’obtenir une quelconque fiche technique de performance énergétique avant occupation. En cas de fuites énergétiques, la note finale est pourtant extrêmement salée. On pourrait aisément imaginer de faire un bilan énergétique tous les 10 ans afin de voir où gagner de la performance 

 

En résumé :  Il est urgent d’innover pour durer. La mise en place d’un suivi de consommation sur un pourcentage d’un volume de logements permet de qualifier les besoins de rénovation au plus juste et avant que les clients-locataires ne découvrent une mauvaise surprise pendant la saison de chauffe.

8 - Non, « objets connectés » ne signifie pas gadget

Lors de son intervention en ouverture de l’événement, mercredi 23 mars 2022, Jean-Michel Royo, consultant, ancien directeur général d’Action Logement Services et ex-directeur général adjoint d'Arkéa Banque Entreprises & Institutionnels, a appelé de ses vœux à « une plus grande collaboration des acteurs institutionnels du logement avec les entreprises technologiques, qui par leurs solutions d’innovation participeront à la réponse faite aux défis climatiques, énergétiques et sociaux. »

 

Le numérique est régulièrement suspecté de reposer sur des équipements qui sont très énergivores (serveur, batteries…). Consommer de l’énergie et en conséquence produire des GES et autres émissions de carbone semblerait contre-productif ; pourtant ces consommations sont à envisager comme levier d’investissement pour produire de l’économie au global. Le conseil à donner est de poser en amont la problématique :

Qu’est-ce qui est utile, nécessaire ou obligatoire à la gestion et/ou à l’exploitation de mon patrimoine ?

Qu’est-ce qui est utile, nécessaire ou obligatoire à mes clients locataires ?

 

En résumé : la technologie est désormais suffisamment mâture et d'un coût acceptable pour arriver à concevoir des produits IoT qui soient réellement basés sur l’humain et sur des solutions ROIstes. Aussi, comment faire pour que la technologie intégrée au logement soit la plus performante possible sans toucher au confort des occupants, et soit le plus large possible pour réaliser des économies d’échelle ? En recourant à la bonne dose d’IoT embarquée !

 

9 - La gouvernance des données, un enjeu majeur pour les organisations

Collecter, transporter, stocker et traiter de la data n’est plus une option. Mais, la manière dont une donnée va être abordée n’est jamais neutre. Cela va dépendre de l’objectif que l’on se fixe et du processus mis en place en amont de la collecte. Il est aussi possible de suivre une démarche plus « exploratoire » : « je sais que je collecte telle donnée, qu’est-ce que je peux en faire ? Est-ce qu’elle me permet de répondre à mes objectifs stratégiques ? »

 

Pour faire face à ses nouveaux enjeux, les bailleurs sociaux ont initié d’ambitieux projets de « Data Management ». Ces derniers se transforment rapidement en une véritable démarche de gouvernance des données qui relève aujourd’hui d’une organisation interne spécifique à part entière. En effet, il n’est pas envisageable que les données du bâtiment ou celles des usagers soient hébergées dans le cloud d’un opérateur de services extérieur ou d’un géant du numérique. Alors, qui va gérer ? C’est un métier à inventer, et les bailleurs sociaux ont un rôle éminent à jouer en tant que tiers de confiance avec leurs clients.

 

En résumé : Il ne s’agit pas pour les bailleurs de commercialiser les données des habitants. Il faut néanmoins rendre la donnée exploitable, agile et utile tout en garantissant la sécurisation des plus critiques et personnelles. Après avoir pris en charge les parcours de vie, le bailleur va absorber un nouveau métier, celui de tiers de confiance dans la gestion de la donnée.

 

10 - Face à l’immensité du chantier de la rénovation des logements, de nouveaux modes de financement apparaissent

Lors de cette édition de « Digital habitat », de nombreux bailleurs ont évoqué le fait de devoir faire face « au mur de la rénovation. » Il est aujourd’hui certain dans le secteur que la facture sera massive. Par exemple, pour sortir des étiquettes « F » et « G », un bailleur social doit en moyenne débourser 35 000€ par logement ! Les organismes HLM se trouvent face à un défi immense : rénover sous peine de ne plus pouvoir quittancer. Rappelons que la loi Climat et Résilience interdira la location des logements étiquetés « G » dès 2025. Même impératif pour les habitations étiquetées « F » en 2028. Enfin, les logements étiquetés « E » seront concernés dès 2034. Ainsi, d’ici 15 ans par exemple, ce sont plus d’1 million de logements sociaux qui devront être massivement rénovés.

 

Des acteurs bancaires ont créé de nouveaux types de prêts dits « à Impact » spécifiquement destinés aux bailleurs sociaux et promoteurs immobiliers afin de valoriser leur engagement RSE, social et environnemental. L’objectif est extra-financier et établit par concertation sur l’analyse des performances du bailleurs sur les trois dernières années. On fixe ensuite un objectif un peu plus ambitieux mais qui reste en cohérence avec ce qu’il est possible d’atteindre (par ex. : Réduction du nombre de logements classés D, E, F et G de 5% par an). Chaque année, sur la durée totale de remboursement, la constatation de l’atteinte de l’objectif de performance extra-financière déclenche le calcul d’une bonification qui peut être reversée à une association à vocation sociale.

 

En résumé : Le « prêt à impact » devrait trouver une place de choix dans le portefeuille des bailleurs. Son principe est simple : lier une partie du coût de l’emprunt à la réalisation de critères extra-financiers vertueux socialement et environnementalement.

 

EN CONCLUSION

Le secteur du bâtiment est le plus gros consommateur d'énergie en France. C’est également un secteur clé pour le développement durable, il contribue directement au bien-être de la société et, plus généralement, à l'emploi et au PIB.

 

› Défi N°1 : Concevoir des bâtiments vertueux au nom des engagements internationaux pris par la France et, tout d’abord, en vertu d’une exigence légitime au regard de l’enjeu climatique.

 

› Défi N°2 : Construire des bâtiments intelligents qui doivent consommer uniquement ce qu’ils doivent consommer. C’est là où la technologie embarquée et connectée permet un suivi en temps réel et la production de données consolidables et pertinentes dans l’analyse du cycle de vie du bâtiment.

 

› Défi N°3 : Construire des bâtiments évolutifs en anticipant la possible transition de locaux tertiaires en logements par exemple. Aujourd’hui, le coût d’une telle transformation est encore trop peu compatible avec toute idée de massification.

 

› Défi N°4 - Concevoir des bâtiments résilients en agissant sur le confort d’été ou les îlot de chaleur. Nous devons être en mesure de construire rapidement des logements capables de faire face à des pointes de 50°C en période estivale dans de nombreux territoires français.

 


Notes :

1 : Crédoc - Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, 11 octobre 2021.

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