Bilan 2022
En 2021, la reprise économique post crise sanitaire avait conduit à une envolée des prix de l’énergie. C’est dans ce contexte que les inquiétudes se sont amplifiées avec le conflit en Ukraine. Alors que la Russie baissait drastiquement ses exportations de gaz à destination de l'Europe, en conséquence le tarif de cette énergie a fortement augmenté entrainant celui de l’électricité. Sur notre continent en effet, une part importante de l'électricité est produite à partir de gaz naturel, ce qui entraîne une corrélation des prix entre le gaz et l'électricité*.
Courant 2022, la France, ordinairement autosuffisante et même exportatrice, est obligée de s’approvisionner sur le marché européen de l’électricité, contribuant à la tension des prix. En cause, des impératifs de maintenance non-anticipés qui ont conduit à l’arrêt de nombreux réacteurs en 2022.
En résumé, l’hiver 2022-2023 s’annonçait tendu et faisait planner la nécessité d’arbitrages.
hIVER 2022 - 2023
Afin de faire face à des enjeux historiques inédits depuis les chocs pétroliers de 1973 et 1979, l’Etat a engagé un plan de sobriété et en complément a lancé un bouclier tarifaire en soutien des ménages les plus modestes. Pour rappel, le plan de sobriété énergétique adopté en juillet 2022 recommandait une baisse de 10% de la consommation nationale d'énergie par rapport à l'année antérieure.
Selon les données publiées par RTE, on peut dire que les appels à la modération ont été entendus (pour des raisons économiques avant tout). On remarque un changement de comportement des usagers (respect de la température de chauffage à 19°C, décalage de la période de chauffe dans les bâtiments chauffés collectivement, réglage des chaudières, décalage de l'utilisation des appareils électroménagers, arrêt du chauffage en cas d'absence). Avec une baisse de 11% de la consommation corrigée de l’effet météo (-8% pour l’électricité et -13% pour le gaz), on observe que les Français ont été au rendez-vous de la mobilisation. Les entreprises et les collectivités ont elles aussi contribué à une baisse de la demande. L’hiver a été sans coupure, délestage, alerte EcoWatt rouge ni « black-out » pour une économie équivalente à la production de 7 réacteurs nucléaires.
Si Les prix du gaz et de l’électricité ont baissé, ils demeurent encore bien plus élevés qu’ailleurs, notamment aux États-Unis, et pèsent encore fortement sur notre économie.
Perspectives 2023 - 2024 en quelques points
› La sécheresse historique actuelle fait craindre une impossibilité de recourir à la source (habituellement 12% de la production métropolitaine) de production hydraulique d’électricité qui devrait en toute logique encore diminuer en 2023.
› Sur le volet de la production électrique, RTE note que les mouvements sociaux sur les sites de production nucléaire ont déjà « conduit à des prolongations d’arrêt généralement de deux à trois semaines sur les réacteurs dont la remise en service était imminente ou proche » et que la possible prolongation de ces mouvements « aurait des conséquences importantes ».
› Plus critique, EDF a détecté de nouveaux défauts sur les centrales de Cattenom et Penly. L'impact sur la production nucléaire de ces sites reste ainsi incertain et va engendrer des plans de vérification. Cela pourrait modifier le calendrier de maintenance classique des centrales françaises et peser sur la production.
› Sur le plan du gaz, l’Europe a fait appel à des pays comme l’Azerbaïdjan, l’Algérie, la Norvège, le Qatar, les États-Unis, l'Égypte et des pays d’Afrique de l'Ouest. Pour certains d’entre eux, des craintes géopolitiques légitimes existent. L’Agence internationale de l'énergie (AIE) appelle ainsi les gouvernements à réduire considérablement leurs besoins en gaz.
et ensuite ?
Nous avons opéré un focus très conjoncturel. De façon plus structurelle à présent, RTE prévoit à l’avenir que « la consommation d’énergie [globale] va fortement baisser tandis que celle d’électricité va augmenter pour se substituer aux énergies fossiles » et anticipe, dans sa trajectoire de référence à l’horizon 2050, une consommation annuelle d’électricité de 35 points de pourcentage plus importante que le niveau de 2020. En cause, une électrification massive des usages attendue (en remplacement des énergies fossiles : chauffage, mobilité, procédés industriels…). Il s’agit également de tenir compte des nouvelles stratégies annoncées (objectif de neutralité carbone, etc.). La part de l’électricité dans la consommation d’énergie finale pourrait passer de 25 % à l’heure actuelle à 55% en 2050 selon la trajectoire de référence de RTE. Sur la même période, la part des EnR et du gaz décarboné vont croitre considérablement.
cONCLUSION
Du fait de l’arrêt des livraisons de gaz russe en Europe, la dépendance d’importations extérieures et du manque de disponibilité de son parc nucléaire, de la France fait face à une tension de ses approvisionnements en énergie. Pour pouvoir passer nos futurs hivers mais également pour réduire la consommation d’énergie en France et atteindre la neutralité carbone, il faut agir sur le long terme.
Les recommandations de l’étude prospective RTE engage donc la France à « agir sur l’efficacité énergétique, voire la sobriété indispensable pour atteindre les objectifs climatiques ».
Pour terminer, l’hiver n’est plus la seule saison énergivore. Si la consommation d'électricité est traditionnellement largement moins forte en été qu'en hiver, l'évolution du climat laisse présager une augmentation de la consommation en période estivale. De plus en plus, autant que le chauffage, les climatiseurs et les différents modes de rafraîchissement ont un impact. L'essor du marché de ces appareils entraîne de nouveaux scénarios notamment car ils rejettent l’air chaud pour refroidir les espaces intérieurs ! Ce volet de consommation doit lui aussi faire l’objet d’un pilotage plus fin.
* « Depuis les années 1990, l’Union européenne (UE) a progressivement ouvert les marchés nationaux de l’électricité à la concurrence pour harmoniser et libéraliser le marché européen, et mieux l’interconnecter. Le réseau de transport européen d’électricité assure aujourd’hui la sécurité d’approvisionnement et les échanges entre trente-cinq pays.
Ce marché s’appuie sur une place boursière européenne, EPEX Spot SE, sur laquelle s’échangent les mégawattheures (MWh), avec des cours qui varient selon les pays en fonction de l’offre et de la demande. Elle constitue une place spéculative qui réunit producteurs, fournisseurs et négociants, qui achètent et vendent de l’électricité (nucléaire, renouvelable ou fossile), pour des livraisons immédiates ou différées.
Or, dans ce marché de gros, le prix est fixé non pas en fonction du coût moyen de production d’électricité en Europe, mais à partir du coût de production « marginal » du dernier MWh injecté sur le réseau. En cas de faible demande, les installations nucléaires ou renouvelables suffisent, mais lorsque la demande est forte, les centrales thermiques sont mises à contribution, et le coût de l’électricité est alors basé sur le cours du gaz (ou du charbon). A cela s’ajoute une taxe sur les émissions de CO2, dans le cadre du marché carbone européen. » (Source : Le Monde)
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